Au parc de Sceaux

(sud de Paris en Hauts de Seine)

13 juin 1998. 9 septembre 1998


Immense parc très connu, célèbre, très fréquenté, très bien entretenu et en constante amélioration. Je me bornerai aux quelques arbres remarquables repérés depuis longtemps et pour la plupart encore présents et en bon état.

En entrant par le Nord, on tombe rapidement sur un espace occupé par trois bassins dont deux en eau avec nénuphars et poissons. En lisière des bosquets qui l'entourent, on peut identifier un arbre curieux du genre noyer, un pterocarya fraxinifolia* (à noix ailées et feuilles de frêne), qui porte en juin des fruits en forme de chenilles pendantes de 15 à 20 cm rassemblant de petites noix grosses comme des pois chiches et dotées chacune de petites membranes ailées. Plusieurs robiniers et sophoras** voisins (on pourrait croire que le paysagiste a pris un malin plaisir à dérouter les visiteurs en rapprochant ces deux espèces !) offrent l'occasion de les distinguer par leur troncs très dissemblables, les fleurs éventuellement (celles du robiniers sont printanières précoces, et celles du sophora de forme différente et d'été tardives), ou des feuilles (les deux sont composées pennées de taille comparable, mais les folioles sont ovales chez le robinier et plus pointues chez le sophora. En plus chez ce dernier les rameaux verts d'extrémité présentent de petites taches bistres. En se rapprochant du pavillon Aurore on peut observer un mimosa julibrisin, ou albizzia. Cet arbuste, à peine rustique en Ile-de-France mais très répandu dans l'ouest et le midi, donne en été de jolies fleurs, d'odeur douce proche de celle du tilleul. Seul représentant des mimosas dans la région, il en arbore le feuillage caractéristique, composé bipenné, c'est-à-dire que les folioles sont elles-mêmes composées et pennées. L'exemplaire de Sceaux semble fragilisé par une profonde fente longitudinale du tronc. Un nouveau pied a été planté à proximité. Plus loin au-delà du pavillon Aurore, près de la porte nord-est, un chêne-liège isolé, totalement incongru en Ile-de-France, difficile à identifier en l'absence des glands, si ce n'est par son écorce souple et comme boursouflée. En septembre les glands sont bien là, mais à peine visibles tellement ils sont minuscules (2 à 4 mm de diamètre). Mes livres de botanique indiquent que pour cette variété de chêne les glands se développent sur deux ans (donc à suivre). Une nouvelle visite le 28 août 1999 m'a permis d'observer sous cet arbre un ou deux très gros glands, en forme d'obus pointus d'environ 40 mm de long et 20 mm de diamètre maximum, avec cupules assorties, manifestement tombés de ce chêne-liège. On est amené à supposer que le climat d'Ile-de-France ne permet pas normalement la pleine fructification, d'où les très nombreux embryons de glands, avortés, mais n'interdit pas en cas d'été favorable que quelques fruits bien exposés arrivent à murir complètement.

En descendant vers le grand canal après avoir longé le château, par un escalier de terre et bois, on arrive à une petite terrasse d'une dizaine de mètres de dimension où se trouve un petit arbre assez rare, un oranger des osages*** (du nom d'une tribu indienne d'Amérique), à beau feuillage vert tendre, et portant en juin des fruits naissants gros comme des noix avec leur coque verte, et garnis de poils longs et souples. Ces fruits qui arriveront à la maturité en juillet-août seront gros comme des oranges, verdâtres, grumeleux, avec de rares poils, parfois cités comme comestibles, parfois non-comestibles (je n'ai pas essayé). Mon livre de botanique signale aussi des épines sur les branches que je n'ai pas observées. Je connais un autre exemplaire de cette espèce, plus développé, au Champ de Mars.

Un peu plus bas et plus près du canal, le long de l'allée qui le surplombe, on peut remarquer deux féviers**** distants d'une vingtaine de mètres, remarquables surtout par leur feuillage très léger, à feuilles pennées ou bipennées avec des folioles d'à peine un cm. L'écorce lisse et noirâtre a tendance à s'exfolier par plaques. L'un des arbres donne à l'été de grandes gousses brunes et plates, comme des rubans. L'autre pied n'en porte jamais, ce qui m'amène à penser que cette espèce serait "dioïque" c'est-à-dire qu'elle comporterait des pieds mâles et des pieds femelles séparés, ce qui justifie en pratique la présence de couples voisins pour assurer la reproduction. J'ai observé autrefois la même particularité sur les très grands féviers du Champ de Mars. L'un des pieds porte des épines redoutables, véritables petits poignards de 8 à 10 cm. En septembre, à l'Haÿ-les-Roses, les trois féviers inermes ne portaient aucune gousse visible, mais surtout j'ai pu observer des feuilles "mixtes", à la fois pennées et bipennées, les parties pennées présentant des folioles simples allongées de 3 ou 4 cm, et les parties bipennées des folioles pennées à petites folioles secondaires de 2 cm de long et 7 mm de large. Très curieux ! Retourné à Sceaux quelques jours après, j'ai constaté que le premier févier, sans épines, était garni de nombreuses gousses, et que l'autre, à épines, n'en portait aucune. Les deux sujets présentaient des feuilles mixtes moitié pennées moitié bipennées. (remarque le 8 décembre 1998 : je dois faire une rectification sur le caractère dioïque des féviers, qui est probablement une erreur. Il ne semble pas y avoir de corrélation entre la présence ou non d'épines et celle de gousses. Mais il y a des sujets sans gousses, apparemment stériles. Pourquoi ?) La même particularité sexuée affecte certains frênes, et les peupliers, entre autres. Les frênes sont très nombreux à Sceaux, disséminés un peu partout, et en juin il est possible de reconnaître les pieds femelles aux fruits (samares) pendant en grappes denses, et les mâles aux amas noirâtres encore présents dans le feuillage, résidus desséchés des fleurs de ce sexe. Du fait que le ginkgo est lui-même dioïque, et qu'il est considéré comme un vestige fossile d'époques très anciennes (200 millions d'années), il est possible que la dioïcité soit un caractère archaïque dans le règne végétal. On peut regretter que ce caractère singulier et relativement rare ne soit pas signalé plus nettement et plus systématiquement dans la littérature botanique.

On ne peut passer sous silence les alignements de peupliers d'Italie bordant le canal, impressionnants par leur taille et leur grosseur, mais malheureusement trop vieux et fragiles lors des tempêtes, et déjà remplacés par endroits par des sujets jeunes complètement disproportionnés. Enfin il faut signaler l'existence des cerisiers du Japon qui occupent massivement un grand carré à l'ouest du canal, superbes à la floraison.


Dans les environs

A signaler au 148 avenue du Général Leclerc de Sceaux (nationale 20), dans le petit jardin des pépinières Nomblot-Bruneau, mais très visible de l'extérieur, un exceptionnel spécimen de hêtre pleureur, d'une emprise au sol d'une vingtaine de mètres, avec un tronc de l'ordre de 60 cm de diamètre.

Toujours à Sceaux, à l'angle nord des rues du Lycée et de Fontenay, un petit parc privé est dominé par deux arbres majestueux, exceptionnels par leur développement et leur perfection, un noyer d'ornement et un sophora. Le tronc du noyer doit approcher de deux mètres de circonférence, et ne présente aucune cicatrice d'élagage. Ce type de noyer (dont j'ignore la désignation scientifique exacte : noyer d'Amérique ?) est très courant dans les parcs et jardins publics, mais ne se remarque guère à cause de sa dissemblance radicale d'avec le noyer commun, à savoir ses feuilles composées pennées à très nombreuses folioles égales (alors que chez le n. courant les feuilles n'ont que 5 à 9 folioles, avec des terminales beaucoup plus grandes que les autres). Ce feuillage rapproche les noyers d'ornement des ailantes et des cedrelas, mais en juillet ils portent des noix (pareilles à celles des noyers ordinaires, sauf qu'elles ne valent rien), ce qui permet de les identifier sans aucune ambiguïté. En l'absence de noix (sur l'arbre ou plus tard par terre dessous), on peut essayer d'attraper une foliole et détecter après pétrissage l'odeur caractéristique du brou (pas évident). La prospérité éclatante de ces arbres témoigne de la qualité parfaite du sol à cet endroit. (remarque le 8 décembre 1998 : les feuilles entièrement tombées, on aperçoit quelques cicatrices sur les deux arbres, et des traces d'étêtage du sophora, probablement pour en limiter le développement excessif en hauteur et en largeur).