Souvenirs d'un pionnier de l'armement nucléaire français

VII. GERBOISE VERTE, une expérience ratée....fructueuse

L'engin R1, tiré lors de l'opération Gerboise Verte, la quatrième et dernière effectuée à Reggane, n'a pu fonctionner normalement en raison de la chaleur torride d'un 25 avril en plein Tanezrouft. Voir l'article précédent sur cette opération.
Au lieu des 15 Kt attendues, on a enregstré 0,7 Kt, environ le vingtième (5%). Mais ce qsue l'on n'a pas encore dit, c'est que les mesures de diagnostic avaient, elles, parfaitement fonctionné, et qu'elles avaient révélé des choses surprenantes, fort intéressantes et de grande importance pour la suite de nos travaux.
Pierre Busquet, le responsabke du déclenchement de l'engin et des mesures proches, me rendit compte peu après le tir, des étranges résultats du diagnostic de la réaction en chaîne. Au lieu d'un pic unique, les oscillogrammes révélaient trois réactions succesives, peut-être plus, les premières très faibles et la dernière franche. Il y avait donc eu trois (ou plus) divergences dégageant de l'énergie, puis s'éteignant par dilatation de la zone réactive, et reprenant peu après, etc... Clairement, la concentration du Pu s'était déroulée en plisieurs phases successives et rapprochées. La conclusion à tirer de ces constatations étaient claires, il fallait reconsidérer la nouvelle géométrie d'implosion qui était essayée pour la première fois avec l'engin R1. Nous pensions que l'implosion, grâce à la qualité de sphéricité des générateurs d'onde sphérique centripète (GOSC), utilisés dans les trois expériences précédentes avec succès, devait assurer une excellente sphéricité de l'action sur la couche métallique, et nous n'avions pas envisagé de développer un implosoir spécial pour R1, bien que pour passer à l'arme, cela serait indispensable. Deux causes principales pouvaient être responsables des irrégularités de concentration:

  • la masse appréciable des explosifs des GOSC, qui entrainait vraisemblablement un surcroit de pression au centre des bases des GOSC, déformant l'onde induite à la surface de l'explosif principal.
  • des effets éventuels de "jets" le long des lignes de contact entre bases de GOSC jointifs, jets qui auraient pu déformer l'onde de détonation transmise à l'explosif principal.

Ces effets perturbateurs étaient difficiles à vérifier théoriquement, mais des efforts furent faits dans ce sens ainsi que des expériences spéciales de détonique. En particulier, on adapta les diagnostics des implosoirs par des appareillages nouveaux très sophistiqués, permettant la détection et l'évaluation des perturbations (projections de parties métalliques en avant de la masse principale).

Conclusion

Pour essayer de mieux "lisser" l'onde de détonation induite à la surface exterieure de l'explosif principal, il fallait évidemment augmenter notablement le nombre de GOSC, en les rendant plus petits et le plus "discets" possible. Ceci devait contribuer du même coup à diminuer le diamètre d'encombrement de la future arme.Des solutions acceptables furent recherchées et mises au point, puis vérifiées lors des essais nucléaires ultérieurs effectués au Hoggar, de 1962 à 1966. Mais la DAM fut obligée de fabriquer une première version de charge, avec un implosoir compact. La seconde version suivit dès que possible, avec de meilleures performances dans les domaines du rapport énergie-poids et de la sécurité opérationnelle.



Pierre Billaud (juin 2008)
Révision novembre 2009