Biographie
Pierre Billaud est né le 10 Janvier 1919 à Fontenay le Comte (Vendée).
Octobre 1925
Études primaires à l'école publique à Fontenay.
Octobre 1930
De 1930 à 1937, études secondaires au collège François Viète, à Fontenay. Baccalauréat en mathématiques élémentaires.
Octobre 1937
Entrée en hypotaupe à Henri IV à Poitiers. Taupe en 1938-1939.
07 Septembre 1939
Déclaration de guerre à l'Allemagne.
Réception d'un télégramme m'annonçant mon admission à Polytechnique.
09 Septembre 1939
Rappel à Paris. Comme arme d'affectation, je prends l'Artillerie Coloniale. Envoi à Fontainebleau comme élève officier.
23 Septembre 1939
Arrivée à Fontainebleau, où les artilleurs de notre promo sont répartis entre hippomobiles, et automobiles. Je suis à regret affecté dans une classe d'hippos, et j'apprends alors l'équitation, que je pratiquerai avec plaisir jusqu'en 1942, et sporadiquement ensuite.
10 Mai 1940
Débâcle lamentable de nos forces. Je suis alors affecté à Souges, près de Bordeaux, dans un camp recevant des africains. À la signature de l'armistice, en juin, nous fuyons vers la côte méditerranéenne, vers un autre camp colonial, à Rivesaltes.
Octobre 1940
L'école Polytechnique repliée à Lyon, nous rappelle. J'ai beaucoup de mal à me réadapter à l'étude. Mes examens de fin d'année sont déplorables.
Juillet 1941
En vacances en Vendée, je reçois une circulaire de l'école, offrant la possibilité aux volontaires de réintégrer l'Armée sans poursuivre les études à l'X. J'accepte, et pars pour Nîmes, où sont repliées les écoles d'artillerie de Fontainebleau et de Poitiers.
Octobre 1941
1941-42. Un an de recyclage en art de l'artilleur, dans une ambiance de sacrifice et d'abnégation, rafraîchissante et réconfortante après le laissez-aller en France qui nous avait menés à l'humiliante et pire défaite de notre histoire. En fin de cycle, je me trouve affecté à Casablanca, dans un Groupe d'Artillerie de Côte et de DCA.
Septembre 1942
En Vendée, fiançailles avec Jeannette Diguet. Nous envisageons de nous unir dès que je pourrai avoir une permission.
Novembre 1942
Les américains débarquent à Casa, après une âpre défense de nos marins. Affecté alors dans une batterie de côte défendant le port, j'ai mon baptême du feu sous la forme de bombes d'avions et d'obus de 16 pouces des cuirassiers adverses.
Janvier 1943
Le général Juin s'adresse à tous les officiers de la garnison pour les relever du serment fait au Maréchal, et leur ordonner de continuer le combat auprès de nos alliés, américains et anglais. Notre corps forme deux groupes de 40 mm Bofors (antiaériens légers). Je perfectionne mon anglais, et suis chargé des transmissions du 41e Groupe de forces terrestres antiaériennes (FTA), (téléphone et surtout radio), sous les ordres du Commandant Pierre Sainctavit.
Juin 1943
Cantonnement dans la région d'Oran. Entraînement intensif des équipes. J'ai mon baptême de l'air dans un Boston fatigué remorquant une manche à air pour un exercice de tir réel du Groupe. J'attrape le paludisme, forme "bénigne", mais qui me met sur le flan plus d'un mois. Déplacement vers Bizerte en vue d'un embarquement pour l'Italie.
Juillet 1944
Retour vers le sud, en vue transfert sur le front en France.
15 Août 1944
Débarquement du Corps expéditionnaire sur les côtes méditerranéennes françaises. J'embarque à Naples sur un LST, chargé de convoyer à part l'ensemble des véhicules et canons de la batterie, et débarque après trois jours de mer, par barges près de Saint-Raphaël, très gêné par une forte crise de palu. Après réunion avec le Capitaine et les personnels de la batterie, mouvement vers le Nord par la route Napoléon. Arrêt d'un mois à Briançon.
Septembre 1944
Mouvement vers le Doubs. Divers cantonnements. La poste fonctionne à nouveau et je reprends contact avec Jeannette. J'obtiens une permission qui me permet de me marier à Fontenay le Comte.
Février 1945
Mariage. Retour dans mon unité vers Mulhouse, sous la neige. Le commandant du Groupe me propose une affectation à Madagascar, dont les Anglais se retirent. J'accepte.
Avril 1945
Je reste à Paris quelques mois, pour me faire soigner sérieusement les dents. En famille. J'apprends avec une certaine incrédulité les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.
Octobre 1945
Début du séjour à Diego-Suarez, où ma femme doit me rejoindre, grâce à sa grossesse qui lui donne une priorité. Je suis affecté à la sous direction des matériels et bâtiments de Diego, important ensemble gérant l'entretien des armes, véhicules, et bâtiments de la garnison. On m'affecte aux bâtiments, où j'apprends des rudiments d'architecture. J'invente un procédé de construction économique en main d'oeuvre qualifiée, par un profil nouveau de coffrage de voûte.
Décembre 1945
Arrivée tant attendue de mon épouse, en pleine forme, venue aussi en Dakota militaire très inconfortable. Elle accouchera d'une fille, Catherine, en mars 1946.
Avril 1947
Naissance d'une seconde fille, Annie. Rébellion malgache sanglante, mais très atténuée à Diego.
Août 1947
Affectation et déplacement à Tananarive, à la direction des matériels et bâtiments, section bâtiments. J'obtiens auprès de l'Etat-major à Paris de faire à mon retour le cycle du Brevet Technique. Je choisirai le moment venu le domaine de l'atome, d'actualité depuis Hiroshima.
Avril 1948
Fin de séjour, retour en France, où nous arrivons par un froid glacial. Voyage en DC4 d'Air France, très incommode à cause des deux petites, malades. Congé de fin de campagne en Vendée, chez mes beaux parents. Annie ne grossit pas et nous inquiète beaucoup. Elle deviendra plus tard une belle fille.
Septembre 1948
Affectation au bureau chargé de gérer les officiers en stage technique. On me détache au laboratoire des Rayons X, à Paris près de l'Étoile (Directeur Maurice de Broglie), cours en Sorbonne, en particulier de radioactivité, avec Madame Irène Curie.
Août 1949
Naissance de notre fils Jean.
Juin 1950
Obtention du diplôme d'études supérieures "Électronique et radioactivité".
Octobre 1950
Entrée à l'Ecole d'état-major. En fin de cycle, inscription au tour de départ en Indochine.
Septembre 1951
Départ en Indochine. A Saïgon, affectation à l'état-major interarmées et des forces terrestres (EMIFT), au 3e bureau (opérations). Nombreuses missions sur le terrain au Tonkin, en Annam, au Laos, et sur les Hauts-Plateaux. Missions particulières à Dien Bien Phu, et Sam Neua.
Septembre 1952
Affectation comme adjoint au Sous-Chef d'état-major "logistique", de l'EMIFT, avec pour rôle principal la préparation du budget militaire de l'Indochine, dépendant alors en France du ministère des colonies.
Janvier 1954
Fin de séjour, rapatriement. Déménagement de Rueil à Paris 20e.
Octobre 1954
Affecté aux Armes Spéciales, commandées par le Colonel Ailleret. Après un stage aux États-Unis de quatre semaines, je participe aux premières évaluations budgétaires d'un programme d'armement atomique français, sous l'égide du Secrétariat Général de la Défense nationale (SGDN).
Janvier 1955
Je suis amené à travailler avec le Colonel Albert Buchalet, délégué du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
Juin 1955
Désireux de travailler moi-même à la bombe française, je me fais détacher hors cadres des Armées au CEA. Je suis nommé chef du Service de Physique Expérimentale. Aidé de quelques ingénieurs de bonne volonté, je détermine des valeurs approximatives de masses de matière fissile (plutonium) à prévoir pour une première expérience.
Juillet 1956
Installation de mon service dans le Centre de recherches de Bruyères le Châtel (B3), tout juste créé, dirigé par un métallurgiste, Pierre Laurent. Construction hâtive de labos à B3.
Janvier 1958
Mission AURORE aux États-Unis, en compagnie de représentants des Armes spéciales qui ont reçu la charge de toute la partie opérationnelle des essais au Sahara (Reggane). Nous recueillons de nombreuses et précieuses informations techniques, en dehors de la conception intime du dispositif nucléaire explosif.
Août 1958
L'ingénieur chargé de l'amorçage neutronique et des mesures de diagnostic, revient du Nevada avec une information capitale. J'en déduis que dans l'implosion le plutonium doit se comprimer fortement, de deux fois en ordre de grandeur peut-être. Devenu adjoint technique de Jacques Robert, chargé de fait de la coordination générale du projet d'engin expérimental français, je décide de réduire assez nettement la masse de Pu qui avait été demandée à Marcoule, en maintenant les autres paramètres, notamment la taille de l'implosoir.
Septembre 1958
Offre de la section atomique de la Direction des études et fabrications d'armement (DEFA), de fournir une solution performante d'amorçage neutronique. Je recommande avec insistance à Buchalet d'accepter cette offre, car nos études restaient peu encourageantes sur ce détail capital.
1959
Poursuite des études dans tous les domaines. Projet de tir réel en début de 1960.
13 Février 1960
Tir de M1, opération Gerboise Bleue, à Reggane dans le désert. Succès total, très bon rendement de réaction, 60 à 70 Kilotonnes. Gros retentissement mondial. La France entre brillamment dans le "club". Le Colonel Buchalet prononce une allocution dans laquelle il me cite en n°1 parmi les artisans du succès. Je crois alors pouvoir me considérer comme le "père technique et scientifique de la bombe A française".
01 Avril 1960
Tir de l'engin de secours P1, de 4 Kilotonnes, dans des conditions opérationnelles acrobatiques. Nikita Krouchtchev est alors à Paris. C'est Gerboise Blanche.
Mai 1960
Premières réflexions sur la future charge opérationnelle du Mirage IV, en liaison avec l'Armée de l'Air.
Juillet 1960
Le Général de Gaulle me décore de la croix d'officier de la Légion d'Honneur.
Septembre 1960
Achat d'une propriété en Vendée pour y séjourner en vacances. Initiation à la botanique, que j'approfondirai au Champ de Mars, proche de mon bureau au CEA.
25 Avril 1961
Tir de R1, de développement d'une solution performante pour la charge du Mirage IV (Gerboise Verte). A cause de la chaleur, raté technique, rendement nucléaire non nul mais très faible. Cette filière prometteuse ne pourra être exploitée pour la première charge opérationnelle du Mirage IV.
Mai 1961
Le commandement décide d'abandonner Reggane pour un autre site au Hoggar, où les tirs seront enfouis à flanc de montagne, dans le granit.
Janvier 1962
Je prends la direction du centre d'études de Limeil, où seront regroupés les services de calcul et de conception des engins expérimentaux et des charges opérationnelles. En 1962-1964, travaux sur les formules à fission et fission exaltée. Tout programme thermonucléaire est freiné ou bloqué par le ministère des Armées.
1963
Révolution liturgique, suppression brutale du latin et du grégorien. Ma femme m'entraîne dans un cours de chant grégorien, dont je deviendrai un pratiquant assidu, et que j'étudierai plus tard sur des bases scientifiques.
1964
À la suite des essais chinois dénotant des progrès en armes thermonucléaires, fortes pressions de l'Élysée pour hâter les études H à la DAM, malgré l'attentisme persistant des Armées. Je prends ma retraite militaire, au grade de Colonel.
Septembre 1965
Crise au sein du service de physique math. Je fais nommer Luc Dagens nouveau responsable des études "fusion". Des résultats encourageants sont bientôt obtenus, qui me suggèrent une idée nouvelle de traitement du combustible léger. J'en parle lors d'une visite du ministre Yvon Bourge à Limeil, mais l'accueil des spécialistes (Dagens) est plus que réservé.
Avril 1966
Devant le peu de progrès en thermonucléaire, sous une pression croissante de l'Élysée, Robert (directeur de applications militaires) décide de me retirer de Limeil. Dagens étudie des systèmes mono-étage, de caractéristiques physiques et de performances décevantes à tous égards.
Janvier 1967
Je ponds deux rapports détaillés sur ma méthode de traitement du combustible léger, exigeant deux étages distincts, dont le premier est un dispositif à fission.
Avril 1967
Michel Carayol sort un petit papier proposant un processus nouveau, adaptable à un engin thermonucléaire à deux étages. Pas de retentissement sensible. La pression indécente du ministre Peyrefitte conduit Robert à remplacer son délégué recherches par Jean Viard, alors chef du département des essais.
Septembre 1967
Viard réunit un séminaire au centre de Valduc (Bourgogne). La campagne de tirs 1968 comportera deux engins du type Dagens, et un de type Carayol.
Octobre 1967
Des tuyaux sibyllins venant d'une source anglaise officielle indiquent sans doute possible que le système de Carayol est le bon. Le programme de tirs 1968 est changé, pour deux engins de la nouvelle conception. Viard me confie la responsabilité de l'un d'eux.
Août 1968
Premier tir thermonucléaire français réussi, environ 2,7 Mt. En septembre mon engin donne 1.25 Mt, pile sur les prévisions calculées.
Octobre 1968
Lors d'un déjeuner de célébration de ces succès, le ministre Robert Galley me désigne, en compagnie de Dagens et Carayol, comme l'un des principaux auteurs scientifiques de la réussite H.
22 Mars 1969
J'ai l'honneur de recevoir des mains du Général de Gaulle, dans la cour d'honneur des Invalides, la cravate de commandeur de la Légion d'Honneur.
1972
Décès de Viard. Vers 1973 Jacques Chevallier est nommé directeur des applications militaires. Il me charge de toutes les questions de sécurité, y compris les dispositifs d'armes opérationnelles. Nombreux contacts fructueux avec nos homologues américains, très en avance dans ce domaine.
1976
Dans un livre d'Alain Peyrefitte Le mal français, chapitre 9, l'auteur donne un récit de l'acquisition difficile de la bombe H par la France, attribuant le principal mérite scientifique à Robert Dautray, que Peyrefitte avait imposé à la DAM.
Avril 1979
Je demande et obtiens le bénéfice de la retraite anticipée. Je désire me consacrer à des recherches personnelles pour tenter d'expliquer la nature apparemment naturelle des intervalles musicaux usuels. Je commence ainsi une troisième carrière, qui durera environ dix années.
05 Octobre 1993
Article anonyme dans LE FIGARO, où Robert Dautray, nouveau Haut-Commissaire à l'énergie atomique, apparaît comme le seul responsable des succès thermonucléaires français, alors qu'il n'y avait en rien participé. Les "autres scientifiques" y sont traités avec un total mépris. Je décide de réagir.
1994
Sortie de mon livre "La véridique histoire de la bombe H française", démenti incisif de Peyrefitte.
1997
Je commence à publier sur internet mes souvenirs d'atomiste. http:///www.pbillaud.fr.
Février 2003
Ma femme et moi décidons, dans un coup de folie (à 82 et 84 ans !), de déménager en province. Mais l'opération se passe bien. Nous nous rapprochons de deux de nos filles, et résidons dans une très agréable propriété.
Pierre Billaud est décédé 10 février 2012 à Chalais (Charente).
Cette biographie est extraite de biobble.com http://fr.biobble.com/membres/368/Pierre_Billaud